lundi 21 décembre 2009

Etats-Unis d'Afrique

Structure, régime politique et frontières des Etats-Unis d’Afrique : une problématique de conciliation du fédéralisme (africain) aux exigences de souveraineté des Etats membres.

Par John NKOKO LIPAMBALA

Enseignant et chercheur à l’Université de Kisangani/ Kisangani. République démocratique du Congo. Tél : +243 998506935, +243 85 370 24 33 E-mail : jdlipambala@hotmail.com

Résumé

L’Afrique reste l’un des continents qui pose trop de problèmes au reste du monde. Son retard sur le plan de développement suscite beaucoup d’inquiétudes de la part de la communauté internationale. La prise de conscience de cet état de chose a déjà été faite dès les premiers jours des indépendances. C’est ainsi que plusieurs modèles de développement ont été conçus pour sortir le continent de cette situation. Toutefois, ces expériences n’ont pas donné des résultats escomptés pour plusieurs raisons dont la division qui a été à la cause de plusieurs conflits. Le caractère bipolaire du monde pendant la guerre froide a également joué un rôle négatif à la construction de l’Afrique.

Les intellectuels africains et les politiques ont, après avoir fait la lecture de leur passé, trouvé la nécessité de penser au décollage de l’Afrique dans un projet fédératif des tous les Etats du continent. Ce qui pourra donner à cette union la chance d’avoir droit au chapitre dans l’échiquier mondial.

Dans le stade actuel, la fédération de tous les Etats africains dans un ensemble plus dynamique est devenue un principe accepté par la majorité des Etats. Cependant, il se pose alors certains problèmes consistant à intégrer ces Etats qui trouveraient cette union comme un frein à l’exercice de leur souveraineté. Parce qu’en fait, le fédéralisme accepté comme mode de gestion de cette union suppose l’abandon d’une partie de souveraineté des Etats. Au cas contraire, c’est plutôt l’idée d’une confédération qui devrait guider les responsables africains. La confédération implique l’égalité des Etats qui gardent chacun sa souveraineté mais acceptent de coopérer dans certains domaines, ce qui ne peut pas favoriser l’unité africaine.

En adoptant pour les Etats-Unis d’Afrique, le mode de gestion fédérale se matérialise au moyen d’une structure étatique favorisant à la fois l’autonomie des États fédérés et une solidarité entre ceux-ci. On serait en présence d’un grand gouvernement avec les principes qui le régissent dont l’autonomie et la participation. La répartition des compétences donne lieu aux frontières entre l’Union (Etats-Unis d’Afrique) et les Etats membres.

Ainsi, cet exposé se veut une discussion de la structure et du régime politique des Etats-Unis d’Afrique posant ainsi les frontières entre le grand ensemble et les membres qui le composent. Il s’agit pour nous de discuter des institutions à mettre en place tout en permettant la participation et l’autonomie des Etats, en dépit du fait que cette autonomie ne sera plus totale. Elle devrait être fragmentée mais intégrée dans un système qui est les Etats-Unis d’Afrique.

Il est pour nous question de concilier les positions de « souverainistes » et de « fédéralistes » dans la formation des Etats-Unis d’Afrique. Telle sera l’hypothèse qui guidera notre communication.

Introduction

La création de l’Etat en Afrique est une œuvre qui parait être en dehors des aspirations africaines mais plutôt une conséquence de l’histoire. En effet, les espaces étatiques africains actuels sont le fruit du découpage du continent par l’Acte de berlin. Les grandes puissances européennes avaient consacré, dans un « acte général », deux principes essentiels de la colonisation. Le premier a proclamé la liberté de navigation sur le Niger et le Congo et la liberté de commerce dans le bassin du Congo ; le second, aux objectifs plus vastes, développa la théorie des zones d’influence : chacune des puissances contractantes pouvait revendiquer l’annexion de territoires occupés en reculant indéfiniment ses frontières jusqu’à ce qu’elles rencontrent une zone d’influence européenne voisine. Cette extension territoriale suppose une occupation effective et une notification immédiate des accords conclus avec les dirigeants autochtones aux autres puissances contractantes.

La configuration des Etats actuels est sortie de ces principes auxquels les indépendances se sont conformées pour la libération des activités politiques et l’octroi de la souveraineté. Ce partage du continent n’a donc pas tenue compte des ethnies et des particularités de chacun des territoires. Ce qui a guidé l’occupation, c’est plus le souci d’exploitation économique et les intérêts de grandes puissances. Ainsi, plusieurs interprétations de l’Etat en Afrique privilégiant l’une ou l’autre thèse sont légions. Il s’agit entre autre des thèses de l’Etat importé (Badie1992), de la panne de l’Etat (Salamé1996) et de greffe de l’Etat (Bayart1996) en Afrique. Toutes ces explications ont pour tronc commun la recherche des causes de tant de problèmes qui ne permettent pas le décollage du développement en Afrique.

Si ces tentatives d’explications sont d’ordre purement scientifique, il convient de souligner que plusieurs Etats africains avaient dans l’histoire tenté de mettre en place un certain nombre de modèles de développement dont le l’objectif fut de chercher le modèle qui conviendrait le mieux en Afrique. L’Afrique a une histoire politique qui n’est pas à confondre avec celle d’autres continents. L’organisation traditionnelle africaine s’est transformée au choc de la traite des noirs et de la colonisation. Ces deux faits historiques ne peuvent pas ne pas donner une explication à la naissance et au fonctionnement des Etats africains.

C’est ainsi qu’après plusieurs efforts de cohésions nationales, les leaders politiques et intellectuels africains ont vu la nécessité de penser à la cohésion continentale. Il s’agit de mettre en place les mécanismes d’unification du continent. Les regroupements sous-régionaux constituent les exemples de ce vouloir vivre collectif africain, bien que ces expériences n’ont pas toujours réussi partout à intégrer les nations obligées à se constituer par le sort de l’histoire. Les conflits armés entre les Etats et les rébellions continuent à mettre en doute toutes les initiatives de l’intégration africaine. Ainsi, le projet de l’intégration des Etats africains au sein des Etats-Unis d’Afrique est devenue une sauce qui,à notre avis,pourra apaiser la soif de l’unité africaine. Il ne s’agit pas d’un Etat uni, mais plutôt d’un projet fédératif des Etats déjà constituées au sein d’un grand ensemble en vue de constituer une force au niveau mondial compte tenu des enjeux actuels de la globalisation.

A ce niveau, il se pose donc le problème de concilier les différentes souverainetés dans une fédération. Les questions fondamentales qui se posent peuvent se résumer à celle des structures (organes), du fonctionnement de la fédération (régime politique) et de ses frontières. En d’autres termes, il est pour nous question de donner une réponse pouvant contribuer à alimenter les débats sur la forme que peut prendre cette organisation appelée à réunir les différents Etats souverains dans un ensemble plus complexe, sur le fonctionnement et les limites des Etats-Unis d’Afrique.

La théorie du fédéralisme par association nous permet de conduire notre discussion sur la constitution de cette union continentale. Cette idée avait déjà été proposée par Raymond Aron en la qualifiant de la fédération planétaire pour la recherche de la paix internationale. Avec la fédération planétaire, la communauté de culture est préservée, elle renonce seulement aux pouvoirs dont l’unité supérieure a besoin pour assurer la défense et le bien-être de tous (Aron1984 :738). Les pouvoirs auxquels les Etats doivent renoncer ne sont autre chose que la souveraineté. C’est cette expérience que veut vivre l’Afrique dans sa composition d’Etats indépendants et souverains pour devenir une fédération. Tel est l’effort intellectuel que nous consentons à travers les lignes qui suivent.

Pour y parvenir, nous avons jugé nécessaire de subdiviser notre propos en trois parties. La première essaie de préciser le contour du fédéralisme dont il est question dans cet ensemble continent et donne quelques explications sur la souveraineté. La deuxième est un essai de proposition de structures pouvant permettre aux Etats-Unis de fonctionner, elle est aussi une tentative d’explication du régime politique susceptible de contribuer à la consolidation de l’Union et la troisième discute des frontières de cet ensemble appelé à intégrer les différentes forces du continent africain.

Du fédéralisme et de la souveraineté

En se mettant d’accord sur le projet des Etats-Unis d’Afrique, nous pensons que les leaders politiques et les intellectuels africains ont cherché à privilégier trois options qui sont la constitution d’une force pour faire place à la compétition économique, promouvoir la solidarité entre les Etats membres fédérés et les valeurs de paix et de justice en vue d’atténuer ou d’éradiquer les conflits politiques interétatiques qui constituent un frein au développement des pays Africains.

Le fédéralisme permet la réalisation de ce projet de par sa définition. En effet, cette forme d’organisation permet à des collectivités politiques de s’unir, tout en conservant leur autonomie locale, sous l’autorité d’un pouvoir unique et souverain, établi constitutionnellement. Il s’agit ici du fédéralisme dans un Etat uni. La souveraineté appartient au seul Etat fédéral. C’est dans cette optique que Braud affirme que l’Etat fédéral instaure une fragmentation juridique de l’espace plus poussée, même si celui-ci demeure une unité politique sur l’arène internationale (Braud 2006 : 139). Il s’agit ici de la conception interne du fédéralisme au sein de l’Etat entendu comme une entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès , dans l’application des règlements , le monopole de la contrainte physique légitime( Weber1995 :97). Dans cette logique, l’on ne parlera pas de souveraineté des Etats fédérés.

Dans la présente réflexion, nous avons retenu les principes du fédéralisme mais dans leur application du fédéralisme par association.. Il s’agit donc pour nous du regroupement d’États au sein d’une ligue ou d’une union. A ce stade, une confusion peut être possible entre la fédération et la confédération. Il est donc important de retenir que la confédération n’exige rien de la souveraineté des Etats membres. Les Etats confédérés se mettent d’accord pour coopérer sur un certain nombre de matières, chacun gardant sa souveraineté dans son ensemble. Le seul point qui les unit c’est celui pour lequel ils ont signé un traité de coopération. En dehors de cette matière, les Etats sont libres d’agir en toute liberté et en toute indépendance.

Dans la fédération par association, les Etats fédérés s’unissent pour tout ce qui concerne le fonctionnement d’un Etat moderne. Ils mettent ensemble leurs forces respectives pour constituer une force fédératrice. C’est donc une union des forces[1] pour créer une force des forces et non une force unie. Ce qui revient à dire que la force constituée dans la fédération internationale n’est pas la fusion des forces étatiques existantes mais leur somme intégrée. Le respect de chaque membre est fonction de son degré intégration et de son vouloir fédératif, gage de l’union et de la solidarité entre les membres.

Dans tous les cas, les principes sur lesquels se fonde le fédéralisme sont l’autonomie et la participation. Ces deux grands principes constituent la clé de fonctionnement du fédéralisme, peu importe le degré de son application, interne ou international.

L’autonomie dont jouissent les Etats fédérés se comprend par rapport aux institutions dont ils disposent pour leur fonctionnement tout en restant membre de la fédération. Il s’agit d’une vraie répartition constitutionnelle des compétences. Les Etats fédérés disposent des institutions qui leur permettent de bien intégrer l’Etat fédéré dans la fédération. Ce sont des institutions que nous pouvons appelées fédérées « fédéralisantes». Ces institutions doivent être tantôt des institutions choses comme la constitution tantôt des « institutions organes », tel est le cas du parlement et du gouvernement voire même des cours et tribunaux. La valeur des ces institutions ne se comprend que dans leur aptitude à contribuer à l’union de l’ensemble.

La participation implique l’appropriation de l’union par les Etats constitutifs. Elle postule de la mise en place des institutions où les différentes forces en présence se retrouvent et les décisions doivent être prises par un mécanisme de cohésion, ce qui pourra atténuer le risque séparatiste résultant des frustrations. Au niveau d’un Etat, on parle plus du caractère bicaméral du parlement.

De son côté, la souveraineté avec ses deux dimensions interne et externe. Sur le plan interne l’Etat constitue l’autorité suprême au- dessus de laquelle la présence de toute autre autorité est impensable, sinon ce serait l’absence de l’Etat. Toutes les autres institutions lui sont soumises par les lois qu’il édicte. Sur le plan externe, elle implique l’indépendance et l’égalité des tous les Etats dans l’ordre international. Le territoire de chaque Etat ne doit donc pas faire l’objet d’une ingérence extérieure, ce qui constitue une violation de souveraineté.

Cependant, dans les relations interétatiques, le respect des engagements internationaux ne constitue en rien une faiblesse des Etats mais au contraire, il est la confirmation de sa souveraineté par le fait la prise des engagements est un acte de souveraineté. Leur respect serait la traduction de ce qu’on a pris de façon souveraine. Le principe de « pacta sunt servanda » veut tout simplement pousser les Etats au respect des engagements qu’ils sont souverainement pris.

Il sied de noter que la configuration des échanges internationaux avec la globalisation invite à repenser autrement la souveraineté. Les Etats sont appelés coopérer dans plusieurs domaines qui souvent transforment les relations internationales. Les différents Etats souverains arrivent à aliéner une partie de leur souveraineté au profit de l’union constituée. La constitution des grands ensembles rend plus compétitifs les Etats dans la scène internationale. L’exemple de l’union européenne constitue un cas illustratif de l’intégration des souverainetés, tout en soulignant cela n’est qu’un processus qui poursuit son bon chemin.

Le monde actuel, avec l’évolution qui le caractérise, appelle à repenser l’adaptation de la souveraineté aux exigences de la compétition planétaire. David Acaud et Laurent Bouvet précise que plusieurs facteurs (la mondialisation, les processus d’intégration régionale, la multiplication des formes de contestation du pouvoir central, les terrorismes) ont concouru à mettre en cause la manière dont les compétences de l’Etat sont en mesure de s’exercer (Acaud et Bouvet 2004 :356).

L’Afrique se propose un modèle des Etats-Unis d’Afrique. Ce qui est une sorte de fédéralisme des Etats déjà constitués en entités souveraines. L’imagination d’une structure appropriée peut favoriser la réussite d’un tel projet fédérateur. Ce qui veut tout simplement dire qu’il n’y a pas d’institutions prêtes à porter pour le fédéralisme tant national qu’international. Nous voulons à présent soumettre à la discussion scientifique nos propositions de réflexion sur les Etat-unis d’Afrique.

Structure et régime politique des Etats-Unis d’Afrique : contribution africaine à la fédération des Etats africains.

La mise en place des Etats-Unis d’Afrique dans l’optique d’un fédéralisme conduit à la mise en place des organes susceptibles de favoriser l’autonomie des Etats membres tout en privilégiant leur participation.

Ainsi, dans le stade actuel, l’union africaine, qui a remplacé l’OUA depuis lors du sommet de Durban en juillet 2002, a mis en place des organes ci-après : la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, qui doit se réunir au moins une fois par an ; le Conseil exécutif, qui succède à l’ancien Conseil des ministres de l’OUA et réunit les ministres des Affaires étrangères ; le Comité des représentants permanents, composé des ambassadeurs des États membres résidant à Addis-Abeba ; et la Commission, qui remplace l’ancien secrétariat général. Le projet de la mise en place d’autres institutions comme le Parlement panafricain, une Cour de justice, un Conseil économique, social et culturel et des institutions financières (Fonds monétaire africain, Banque centrale) mérite bien d’être soutenu en vue du bon fonctionnement de l’Union.

Cette structure est certes d’une importance capitale pour la matérialisation des projets de l’union africaine. Notre contribution à ce niveau consiste à voir si ces organes peuvent contribuer à la réussite des Etats-Unis d’Afrique qui, à notre avis, est plus qu’une simple union dont la forme serait semblable à une confédération. Les Etats-Unis d’Afrique est un véritable fédéralisme. C’est pourquoi nous pensons que ce qui doit être privilégié dans cette optique, c’est plus le souci de l’intégration politique qui doit pousser à la longue à l’intégration économique. L’on nous contredirait en disant que le cas européen est parti de l’intégration économique pour arriver à l’intégration politique qui est en cours. La réponse à cette critique pourrait être le contexte de la création des Etats en Afrique. D’ailleurs, ce qui a plus milité à la création de l’Etat-nation pour bon nombre des pays, c’est l’intégration politique qu’au sein d’un ensemble convenu pour devenir la nation. Le cas de

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